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Manager dans l’incertitude. Troisième partie : L’humain et la complexité

22 janvier 2024
Angelica Calvet CS-Horizon, Administratrice Cinov Conseil et Présidente Cinov Nouvelle Aquitaine

 

Dans cette série d’articles dédiés au « management dans l’incertitude », Angelica Calvet, Experte Lean-Agile au sein de CS-Horizon, Administratrice Cinov Conseil et Présidente Cinov Nouvelle-Aquitaine, aborde dans un premier temps l’incertitude du point de vue des processus, puis de la résilience. Ce troisième article est dédié à l’humain et la complexité.

L’expérience de la traversée d’un pont suspendu

Lorsque j’anime des ateliers sur la façon dont on peut faire face à la complexité en développant un esprit agile, je montre souvent une photo où on observe une partie d’un pont suspendu dans la montagne. Le pont est construit avec des planches en bois séparées par quelques centimètres les unes des autres ; l’autre côté du pont n’est pas visible à cause d’un brouillard très dense, on n’arrive pas à apercevoir non plus le fond entre les falaises reliées par le pont. Une fois que les participants ont pris leurs temps pour observer l’image, je leur demande s’ils franchiraient ou pas le pont ?

Le résultat est invariablement le même : 33 % des participants disent « oui » sans hésiter, 33 % disent « non » et les derniers « ne savent pas ». J’ai posé la même question à des publics européens, africains, américains et latino-américains, en pensant que cela pouvait varier, mais le constat est toujours le même, cette répartition de pourcentages est similaire quel que soit le public.

L’incertitude et l’expérience humaine

Est-ce que cela voudrait dire dans mon exemple, que face à l’incertitude, un certain nombre de personnes, quel que soit leur origine ou environnement, pensent que la traversée du pont dans telles conditions pourrait être excitante ? Tandis que d’autres peuvent ressentir de l’anxiété ou de la peur ? Ou encore de l’insécurité, sauf conditions spécifiques ?

Mes réponses à ces questions sont oui, oui et oui, car cette expérience subjective dépend de plusieurs facteurs : elle repose essentiellement dans la sécurité et le niveau de confiance :

  • Si vous avez déjà traversé ce pont par de temps clair, vous aurez une sensation de sécurité ;
  • Si l’expérience est familière car vous avez déjà traversé des ponts similaires ou si quelqu’un d’autre l’a fait avant vous, vous vous sentirez plus confiant ;
  • Alors que s’il s’agit de la première fois, la peur pourrait vous envahir, ou au moins, un certain doute traversera votre esprit avant de poser votre pied sur la première planche.

La prise de décision dans l’incertitude

Si nous transposons cet exemple aux organisations, selon Ralph Stacey, qui fut le premier à analyser les actions qui seraient prises par les managers selon le degré de certitude qu’ils expérimentent pour faire face à une situation donnée, telles décisions seraient prises en fonction de la nature des problèmes rencontrés ou du contexte de l’organisation. Il existe bien une corrélation entre le niveau d’incertitude et le niveau d’accord pour le traitement du problème en question : ceci est exactement ce qu’un manager va expérimenter dans sa prise de décisions.

En tant que managers, on fera confiance si on connaît bien la situation qui se présente et on a déjà développé les bonnes pratiques pour résoudre la difficulté : je traverse le pont car je sais qu’il tient bien de bout en bout, je l’ai déjà franchi à plusieurs reprises, ou je suis attaché, sécurisé et ne risque rien.

Mais si on se trouve confronté à une situation complexe, ni les bonnes pratiques, ni les meilleures pratiques connues des approches de gestion traditionnels sont capables de répondre à la situation, comme le démontre Dave Snowden dans ses travaux et son modèle de prise de décisions dans des environnements complexes : je ne sais pas si je traverse ou pas le pont, car je n’ai pas une expérience préalable avec ce pont (pas de bonne pratique connue), ou je n’ai jamais traversé un tel pont, je ne me sens pas en sécurité, de plus j’ai le vertige… j’analyse les relations de cause et effet et je n’arrive pas à trouver un accord avec moi-même pour prendre la décision sans hésiter : l’incertitude semble trop élevée !

L’importance de l’expérimentation

Comment puis-je sonder, sentir et avancer, si je ne commence pas pour faire quelques pas sur le pont ? Il faut tenter, expérimenter, trouver une certaine assurance en quelque part « s’autorassurer » … si j’arrive à apprivoiser la situation et sentir cette tension entre la complexité de la tâche et l’incertitude qui m’entoure, alors je peux décider de poursuivre l’expérience sur le pont ou bien d’abandonner et chercher un chemin alternatif, ou attendre tout simplement que le brouillard se dissipe… mais si je cours pour échapper à un danger et traverser le pont est la seule option, mon cerveau devra réagir rapidement et prendre une décision instantanée tout comme le ferait un chirurgien qui, en plein opération, découvre soudainement qu’il doit faire face à une tumeur dont la taille n’a pas été correctement évaluée.

Indéniablement, notre époque nous pousse à évoluer dans un océan d'incertitudes, où les défis qui se dressent devant nous se caractérisent souvent par leur complexité, car on ne sait pas comment les situations pourront évoluer. Ceci rend encore plus difficile la prédiction des répercussions de nos actions. Adopter une approche de management agile , dans telles conditions, est particulièrement pertinent. Les approches agiles favorisent l'adoption d’un esprit plus ouvert, pour faire face à la complexité dans l’incertitude.

L’expérimentation est une composante essentielle des approches agiles. Elle permet aux équipes de tester de nouvelles idées, de recueillir des données et d’apprendre de leurs expériences. Cela leur permet d’évoluer et de s’adapter rapidement aux changements.

Angelica Calvet

Angélica Calvet, Experte Lean-Agile, CS-Horizon,

Administratrice du Syndicat Cinov Conseil

Présidente Cinov Nouvelle-Aquitaine