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Manager dans l’incertitude. Deuxième partie : La résilience

17 août 2022
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« La nature envers vous me semble bien injuste -dit le chêne à l’arbuste. Votre compassion, lui répondit l’arbuste, part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci, les vents me sont moins qu’à vous redoutables. Je plie, et ne romps pas »…

Le chêne et le roseau, Jean de la Fontaine

 

Dans la première partie de cette série d’articles dédiés au « mangement dans l’incertitude », j’ai abordé l’incertitude du point de vue des processus. Lorsque nous faisons face à des situations complexes, voire chaotiques, l’incertitude peut atteindre des niveaux extrêmes qui poussent les organisations à modifier leurs modèles opérationnels, dont leurs processus.

Manager dans l’incertain, c’est aussi faire face à l’inconnu, à l’inédit et à des bouleversements comme celui entrainé par la crise sanitaire provoqué par le COVID-19. Traiter le trauma, le stress psychologique et les blessures laissées par cette catastrophe, tenir le coup et ensuite redémarrer, c’est faire preuve de résilience.

L’humanité a déjà connu des situations similaires par le passé, la plus récente et comparable étant celle de la grippe espagnole le siècle dernier. Mais à l’époque, les notices ne voyageaient pas à la même vitesse et nos modes de déplacement n’étaient pas non plus les mêmes.  De nos jours, il suffit de poster un message sur les réseaux sociaux et toute la planète est au courant en temps réel. Cette crise, comme toute autre catastrophe incompréhensible, est accompagnée d’une crise économique et sociale qui remettent en cause les mécanismes et modèles organisationnels du passé.

Dans la situation actuelle, des multiples variables rendent encore plus complexe le management de nos organisations : nous ne sommes pas encore sortis de la crise du coronavirus que d’autres virus commencent à circuler ; la guerre en Ukraine nous touche très directement en Europe, fait des millions de déplacés et nous rappelle nos vulnérabilités, l’inflation qui monte et nous ne sommes pas loin d’une crise énergétique... Pire encore, l’humanité doit s’adapter au changement climatique et ses terribles conséquences !

 

Récupération, résistance et reconfiguration 

Plusieurs questions émergent dans ce cumul d’incertitudes : comment nos organisations font face à ces phénomènes incertains ? comment tiennent-elles le coup ? comment supportent-elles les différentes catastrophes et deviennent résilientes ? qu’est-ce que nos organisations font pour rebondir et redémarrer ?

Selon Boris Cyrulink [1], « la résilience c’est l’attitude d’un corps à résister aux pressions et à reprendre sa structure initiale. En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité »

J’aime bien la métaphore de « l’arbre soufflé par le vent », elle a été introduite par Lepore & Revenson, deux chercheurs américains [2]. Ils conçoivent la résilience comme un concept multidimensionnel (Serban Ionescu [3]) en identifiant trois dimensions ou formes distinctes de résilience : la récupération, la résistance et la reconfiguration. Lorsqu’un vent fort souffle sur l’arbre, celui-ci se plie pour s’adapter au vent, sinon il se brise. Quand le vent s’arrête, l’arbre penché se récupère en reprenant sa position verticale. Lorsque l’arbre se tient debout, sans être dérangé, face à un vent hurlant, il résiste. Enfin, lorsque l’arbre ne revient pas à sa forme d’origine, il change de forme, il se reconfigure pour s’adapter aux vents dominants.

Dans la première forme de résilience, la récupération se fait grâce à l’élasticité : un facteur de stress peut perturber l’état de fonctionnement normal d’une personne, mais lorsque le facteur de stress passe, la personne finit par reprendre son niveau de fonctionnement normal ; dans la deuxième, la résistance s’observe chez les personnes qui présentent un fonctionnement normal avant, pendant et après un facteur de stress ; et dans la troisième la reconfiguration est la capacité à rebondir face à l’adversité.

Cette approche est intéressante car elle considère la relation entre la résilience et les expériences de transformation, notamment le développement ou la croissance, des changements visibles à la suite à un stress vécu.

Nous pouvons ainsi comparer une organisation résiliente, à la métaphore de l’arbre soufflé par le vent ; elle est résiliente car elle est capable de survivre et faire face à l’adversité. Elle se récupère des traumas subis, elle résiste aux chocs, mais surtout elle se transforme, s’adapte et devient plus forte à la sortie de chaque crise.

Les capacités à « tenir le coup », à se transformer et à devenir plus fortes, surtout face à l’incertitude, les organisations les acquièrent grâce à leur expérience, à leur robustesse et à leur réactivité.

Rappelons-nous que, « plus l’incertitude est forte, plus la situation devient complexe ; et plus la durée de l’incertitude est longue, plus l’organisation devra adapter ses modèles de management pour accompagner au mieux ses différentes activités » [4].

Une organisation doit donc se préparer :  apprendre à anticiper, à devancer, à comprendre, non uniquement son marché, son écosystème, l’amélioration de ses modes de production et niveaux de performance, mais comprendre l’organisation elle-même et s’autodiagnostiquer en se demandant, entre autres,  si elle est prête à faire face à une nouvelle crise ou à des nouvelles perturbations qui puissent se présenter ; si elle est prête à s’adapter, à réinventer sa conception de travail ; si elle est vraiment agile, proactive et met en place des mécanismes pour la gestion des risques opérationnels et financiers.

Une étude de Gartner, conduite le deuxième semestre de 2020, en pleine crise COVID-19, a montré qu’avant la crise sanitaire, la plupart d’organisations se focalisaient dans leur efficience pour stimuler leur croissance. Pour devenir plus performantes, il était nécessaire de clarifier leurs processus, mais certains de ces processus sont devenus trop rigides et cette mesure de performance qui fonctionnait auparavant assez bien, est devenue en réalité une vulnérabilité pour le changement.

 

« La rigidité nous empêche de réagir au changement » [5].

Ceci veut dire qu’il ne suffit pas de construire des processus clairs et performants, mais il faut les rendre agiles et adaptatifs, ce qui nous ramène aux compétences pour obtenir le maximum de productivité, d’engagement et d’adhésion de dirigeants et des employés dans ces périodes incertaines.

Cette crise est particulière et sans précédent car elle nous a obligé à accélérer le développement et l’adoption des technologies digitales. C’est comme si en l’espace de quelques mois, il se serait écoulé en réalité sept ans [6].

La crise nous a montré aussi, pour utiliser la métaphore de l’arbre, que les organisations qui étaient déjà centrées dans l’expérience « Collaborateur », avec un support opérationnel, des outils digitaux adaptés, dans une stratégie d’évolution continue des compétences, de recherche de bien-être, etc. et les structures organisationnelles agiles, sont celles qui se sont « récupérées » et « reconfigurées » le plus vite [7] : elles ont résisté au choc et ont su rebondir et se transformer.

Ces organisations qui deviennent résilientes sont aussi caractérisées par leurs leaders qui ont changé eux-mêmes et ont mieux compris ce qu’il fallait faire et  vers où il fallait aller : ils ont appris à identifier et naviguer au milieu des incertitudes et de leurs implications, à intégrer la confiance comme le catalyseur de la reprise et définir le succès de la récupération [8].

 

Angélica Calvet, CS - Horizon

   

     Angélica Calvet, CS-Horizon,

     Administratrice Cinov Conseil

     Présidente Cinov Nouvelle Aquitaine

 

 

[1] https://www.infirmiers.com/etudiants-en-ifsi/cours/cours-esi-resilience-nous-tue-pas.html

[2] Lepore, S. J., & Revenson. Resilience and Posttraumatic Growth: Recovery, Resistance, and Reconfiguration. In L. G. Calhoun & R. G. Tedeschi (Eds.), 2006. Handbook of posttraumatic growth: Research & practice (pp. 24–46). Lawrence Erlbaum Associates Publishers. https://www.taylorfrancis.com/books/edit/10.4324/9781315805597/handbook-posttraumatic-growth-lawrence-calhoun-richard-tedeschi

[3] Résilience Connaissances de Base, Sous la Direction de Boris Cyrulink et Gérard Jorland. Editions Odile Jacob, 2012

[4] https://www.cinov-conseil.fr/actualites/manager-dans-lincertitude-premiere-partie-les-processus#_ftn1

[5] https://www.gartner.com/smarterwithgartner/build-organizational-resilience-for-today-and-tomorrow

[6] https://www.mckinsey.com/business-functions/strategy-and-corporate-finance/our-insights/how-covid-19-has-pushed-companies-over-the-technology-tipping-point-and-transformed-business-forever

[7] https://www.cs-horizon.com/index.php

[8] https://www2.deloitte.com/be/en/pages/financial-services/articles/the-essence-of-resilient-leadership.html